L’orchidée et la boussole Humboldt et Bonpland en Amérique espagnole

Avertissement : Les vies d’Alexandre de Humboldt et d’Aimé Bonpland ne peuvent tenir sur un ou deux feuillets de présentation. C’est pour cela que nous vous suggérons (c’est extrêmement facile) de vous rendre, après avoir lu ce texte, sur le site de Pucéart http://puceart.free.fr et de cliquer sur Espace organisateurs (le petit bonhomme dans un rond en bas de page à droite) et enfin sur forum Humboldt où vous trouverez nombre de sites en français et en espagnol à consulter et où vous pourrez ajouter des commentaires et des informations pour les personnes intéressées par l’exposition. Le thème proposé est, comme toujours, un défi pour les artistes. Dans une époque où, après la guerre d’Indépendance américaine et la Révolution française, germent, à l’aube du 19e siècle, les mouvements d’indépendance contre l’Espagne, la vie de ces deux hommes hors du commun nous semblent pouvoir ouvrir des pistes multiples : flore, faune, géographie, voyages, rencontres, société, aventure, engagement...

Humboldt n’est pas seulement un courant froid marin du Pacifique remontant de l’Antarctique le long des côtes du Chili, du Pérou et de l’Equateur. Il est, depuis quelques années, mis à mal par le phénomène du Niño, un courant chaud qui subitement le remplace, provoquant des changements climatiques majeurs. Le courant de Humboldt entretient un écosystème singulier dans le Pacifique sud et influence tant la faune que la flore de la région. Alexander von Humboldt, dont la diversité des découvertes et recherches est aujourd’hui revendiquée tant par les botanistes que par les géographes et les biologistes, a vécu entre deux siècles1. Nourri des idées des Lumières et de l’Encyclopédie2, contrairement à ceux qui prendront la sombre voie de la conquête coloniale, cet humaniste-voyageur sera un aventurier-touche-à-tout scientifique, émerveillé et respectueux du monde qu’il découvre. Il arpentera cinq années durant (1799-1804) cette Amérique encore espagnole, souvent inhospitalière, en compagnie de son ami et secrétaire, Aimé Bonpland3. Pour Jean-Marie Pelt4, c’est « l’approche bienveillante que ces savants du 18e siècle portaient aux civilisations anciennes et à leurs descendants, les Indiens » qui les a rapprochés et a nourri leur amitié.

Ce baron prussien, né à Berlin, d'une famille aristocrate, républicain toute sa vie, est à Paris, à 20 ans, pour voir la Révolution. A 21 ans, il rédige sa première publication scientifique. A 22 ans, il est conseiller des mines de Prusse et invente, pour les mineurs, un masque anti-poussière et une lampe sécurisée. Il fonde une école des Mines à ses frais et met au point, avec Goethe, un appareil d’optique. A 28 ans, il s’installe à Paris et, intime de Gay-Lussac et Arago, il fréquente les milieux scientifiques, marquant tous les esprits de son temps et inspirant Darwin et les savants des générations à venir. A 30 ans, il embarque avec Aimé Bonpland pour un voyage d’études de cinq années aux Amériques. Alexandre de Humboldt est le premier à définir la fonction fondamentale de la forêt dans l’écosystème et son rôle dans la régulation du climat Le premier aussi à établir un lien entre le colonialisme et la destruction de l’environnement. Toute sa vie, il condamna l’esclavage, « le plus grand de tous les maux qui ont affligé l’humanité ». Il avait en projet de fonder au Mexique un centre scientifique, international et libre qui aurait accueilli tous les savants désireux de partager une vision commune de la science.

En 1798, l'amiral de Bougainville propose à Alexandre de Humboldt de participer à une expédition vers l’Amérique du Sud. L’expédition sera annulée mais, à cette occasion, il rencontre Bonpland, un Rochelais, chirurgien de marine mais surtout éminent botaniste. Ils décident de rejoindre une expédition qui part en Égypte et partent à pied en Espagne (six semaines de trajet) rejoindre leur bateau mais l’expédition est également annulée. Le roi d'Espagne, Charles IV, leur octroie alors des passeports avec le sceau royal pour cette première grande exploration scientifique dont le projet a pour ambition majeure « de découvrir l'interaction des forces de la nature et les influences qu'exerce l'environnement géographique sur la vie végétale et animale ».

Le voyage, à pied, à cheval, en bateau, avec hommes et attelages transportant le matériel scientifique :
La Corogne (5 juin 1899) ; les Canaries et ascension du volcan Teide ; Venezuela (16 juillet 1899) : Cumaná, Caracas, sources de l’Orénoque en pirogue ; Cuba (24 novembre 1800) ; Colombie 30 mars 1801) : Carthagène, remontée du fleuve Magdalena, Honda, Bogota ; Equateur (6 janvier 1802) : Quito et ascension du Chimborazo, traversée des Andes ; Pérou (22 octobre 1802) : Lima ; Equateur (4 janvier 1803) : Guayaquil ; Mexique (23 mars 1803) : Acapulco, Mexico, Veracruz ; Cuba (mars 1804) : La Havane ; Etats-Unis (mai 1804) : Philadelphie, Washington ; Bordeaux (3 août 1804).

Ils traversent les Andes, font l’ascension du Chimborazo dont il fait une cartographie radicalement nouvelle. Au Pérou, Humboldt découvre le fou péruvien dont la fiente, le guano est un engrais naturel qu’il révèle à l’Europe. Les deux hommes rapporteront plus de 60 000 échantillons de 6 000 nouvelles espèces de plantes, des observations astronomiques, un nombre incroyable de notes géologiques, sociologiques, économiques, cartographiques et, bien sûr, botaniques que l’on doit surtout à Bonpland. A leur retour, ils resteront en contact mais ne se reverront pas. Bonpland se rend dans sa famille à La Rochelle avant de partir à Paris où il fréquente, entre autres, le futur général Simon Bolivar, celui qu’on appellera le Libertador et conduira les luttes d’indépendance. Humboldt va directement à Paris, puis part à Berlin où il rédige des publications de géographie, d’astronomie et de zoologie, Bonpland se concentrant sur celles de botaniques. Il organise, à l’université fondée par son frère, des conférences scientifiques gratuites et ouvertes aux étudiants, ouvriers, domestiques et femmes. Avec C.F. Gauss5, il met sur pied la « croisade magnétique », un réseau international de stations de mesures géomagnétiques. Il poursuivra ensuite son travail d’exploration scientifique en Russie et en Asie6. A 75 ans, il publie le 1er des 5 tomes de Kosmos, un best-seller scientifique vendu à 20 000 exemplaires en deux mois, réédité et traduit en dix langues avec des cartes comparatives comme personne n'en avait jamais fait dans lequel il décrit « le monde physique tout entier dans un seul et même ouvrage ».

Grâce à l’impératrice Joséphine, véritable passionnée de botanique, Bonpland est nommé intendant général des domaines de Malmaison dont le jardin et la serre reçoivent les plantes rares ramenées des campagnes napoléoniennes. Il entreprendra de nombreux voyages à travers l'Europe, en quête de plantes et publie Plantes équinoxiales. Il offrira cette collection au Muséum national d'histoire naturelle de Paris. A la mort de Napoléon, Bonpland ne résistera à l’appel de l’aventure et repartira, en 1816, pour Buenos Aires, accompagné d’un personnage mystérieux, un architecte nommé Pierre Benoît7. Devenu correspondant de l’Académie des sciences, il reprend très vite ses expéditions. Ayant découvert le mécanisme de la germination du maté8, il crée une plantation en Argentine, déclenchant le courroux du général Francia qui dirige le Paraguay d’une main de fer et craint que Bonpland ne menace son presque monopole du maté. Il le gardera dix années en résidence surveillée. Pendant sa détention, Bonpland reprend son métier de médecin auprès des Indiens Guaranis, créant hôpital, école, menuiserie... Libéré en 1831, il s'installe au Brésil et, entre Argentine et Uruguay, il poursuit ses expériences agricoles. Il ne reviendra jamais en France.

Aimé Bonpland comme Alexandre de Humboldt avaient des frères aînés, moins connus mais non moins importants. A la fin de ses études, Michel-Simon Goujaud- Bonpland s’établit comme médecin à La Rochelle et poursuit ses activités de botaniste en constituant un herbier de plus de 5 000 spécimens, toujours conservé dans la ville. Wilhem de Humboldt, homme politique libéral, défendra l’idée d’une Europe « rassemblée en son centre ». Ministre de l’Education, il fonde de nombreux musées et crée l’université de Berlin qui porte son nom. Berlin a inauguré, en 2020, un polémique musée consacré aux deux frères et à leurs collections. Le Forum Humboldt abrite aussi les collections provenant des musées ethnologique et d'art asiatique de Berlin dont des pièces originaires d'Afrique, d'Océanie et d'Asie, pour la plupart dérobées lors de pillages durant l'époque coloniale. Parmi elles, des bronzes du Bénin du 16 au 18e siècles dont le Nigéria réclame la restitution. Des négociations sont en cours.

1 1769-1859.
2 L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, sous la direction de Denis Diderot et de Jean d’Alembert (1751-1772) est une sorte d’inventaire de toutes les connaissances humaines dans une esprit d'indépendance et d'innovation.
3 1773-1858.
4 Jean-Marie Pelt (1933-2015) : pharmacien, botaniste et écologue, professeur honoraire des universités en biologie végétale et pharmacognosie, président de l’Institut européen d’écologie.
5 Jusqu'à cette époque, l'aiguille de la boussole à axe vertical (qui mesure la déclinaison magnétique) et l'aiguille de boussole à axe horizontal (qui mesure l'inclinaison magnétique) mesuraient bien la direction de la force magnétique, mais pas sa grandeur. Pour arriver à cette fin, Gauss utilisa un aimant auxiliaire.
6 Aux frais du tsar (à qui il demande la grâce des prisonniers politiques déportés en Sibérie), il participe à un voyage scientifique de six mois en Russie et Asie centrale. Il sortira indemne d’une épidémie d’anthrax grâce à un masque de cuir « muni d’une fente pour les yeux couverte d’un grillage en crin de cheval ».
7 Aux origines, dit-on, incertaines et dont la légende raconte qu’il était, peut-être, Louis XVII...
8 Ilex paraguariensis, plante sauvage consommée comme boisson.

 

Catalogue de l'exposition réalisé par Denis JAUBERT

Affiche de l'exposition réalisée par Françoise CONSTANTIN

Bande annonce du reportage réalisé par Patrick AUBRY (La Ligne du Temps)
Reportage réalisé par Patrick AUBRY (La Ligne du Temps)
Reportage sur l'exposition des peinture de l'école "Nid de Colibris", réalisé par Patrick AUBRY (La Ligne du Temps)